Eh bien voilà, la dernière étape de ce chemin qui me mène à Compostelle marque la fin de mon périple car je n’arrête là. Envisager aller plus loin n’est pas vraiment une option, la jambe dit Non !
Je suis très perturbé à l’idée de mettre un terme à cette aventure. A la fois soulagé de terminer mais déjà nostalgique de cette aventure. Tous ces paysages, ces gens rencontrés, cette magie du Camino, je ne suis pas sûr de le retrouver ailleurs sur d’autres sentiers. Oui, bien sûr, je pourrais revenir, faire l’autre chemin, le Camino Francès, mais cela aura-t-il la même saveur que cette première fois ? Pas si sûr !
Mais je me torture bien trop l’esprit ce matin… j’ai bien d’autres choses à faire ! Il me faut profiter de cette journée d’arrivée et de cette communion avec mes compagnons de route. Allez, sous la douche ! Je me dépêche d’aller ensuite prendre un bon petit déjeuner avant la dernière épreuve. Je sais qu’il y a une bute à passer avant la descente vers Santiago. Il ma faut donc prendre des forces. Il est copieux et bien frais, ça change des petits-déjeuners à l’arrache ou dans la chambre.
Me voici dehors… et zut ! Il pleut ! Eh eh… Poncho va devoir sortir pour le dernier jour, ça ce n’était pas vraiment prévu. Je m’équipe, allume Carlita même si le chemin est bien balisé, je préfère m’assurer que je ne suis pas trop plongé dans mes pensées… et je fais bien car il n’y a pas foule à cette heure du matin pour un dernier jour. D’autant que je me suis un peu avancé sur le chemin par rapport aux autres pèlerins de la veille qui se sont majoritairement arrêtés à Pedrouzo, 9km avant.
Le ciel est obscurci par les nuages mais aussi parce que le jour n’est pas entièrement levé. Je vois ça et là des pèlerins seuls ou en groupe, rejoindre le chemin. Je ne suis pas seul mais ce n’est pas encore l’affluence d’hier. Nous entamons donc à la queue leu leu la montée de la butte vers le mont Gozo qui surplombe la ville de Santiago. Il parait que la vue est assez belle de là-haut… Je ne verrais rien car le brouillard est de la partie et masque tout à 100m. Je n’aperçois que vaguement les pèlerins au bout du chemin.
Je profite des derniers moments dans ces sous-bois, je me repais de ces sentiers creusés entre les lignes d’arbres, encore un peu, encore quelques kilomètres avant la ville et ses mystères. La ville de Saint-Jacques le majeur, l’apôtre, le protecteur de l’Espagne. La ville aux 140 églises, aux monuments plus majestueux les uns que les autres. La splendide cathédrale en son mitant comme point focal de toutes pérégrination, que chaque pèlerin sur le Camino, rêve d’atteindre depuis le premier pas… de Irun, de St Jean Pied de Port, du Puys en Velay, d’Amsterdam, de Hambourg, de Roscoff ou de Genève, ou même de petits villages plus inconnus, Le Rheu…
Le trajet n’est pas long, la montée plutôt facile, la descente en pente douce me fait glisser vers les faubourgs de la ville. J'ai bien croisé quelques groupes de jeunes qui vont à une allure d'escargots. Seraient-ce les effluves de la fête de la veille ? En tout cas, ils sont joyeux, ils chantent, la musique sur leur smartphone, et ça chante, et ça rie, heureuse déambulation vers le terme du chemin.
Passé les quartiers périphériques, j’entre dans la vieille ville, les rues sont plus étroites, moins droites et moins régulières. De hautes façades en pierre appelle l’histoire. De courbes en courbes, de rues en ruelles, voici enfin la place tant attendue… Je croise un ancien compagnon de route Italien. Lui demande où se trouve la Cathédrale. Derrière-toi me répond-t-il ! Je me retourne et en effet la stature est imposante, travaillée, loin de son architecture Romane initiale, presque écrasante.
Alors, sur cette place, ma première idée est de rechercher le fameux km 0 des chemins de Compostelle, qui est matérialisé au centre de la place. Malheureusement au centre de la place, prône une grande estrade de concert que des dizaines d’ouvriers sont en train de démonter. Une grande partie de la place est barricadée et bloquée par cette activité et des engins de manutention. Cela enlève un peu de majesté à l’instant mais je n’en ai cure, je profite pleinement de ce moment magique où je peux enfin me dire… j’y suis ! Je termine mon parcours, je la vois enfin cette cathédrale tant espérée !
Elle va m’accaparer toute la journée, enfin au moins l’après midi parce qu’il m’a fallu, une fois mes émotions débridées, m’occuper de faire estampiller ma Crédentiale. J’en ai eu pour la matinée parce qu’il se trouve que tous les pèlerins ont la même idée en arrivant, obtenir le précieux tampon, gage de son engagement sur le chemin. Il faut donc faire la queue pendant un long moment avant de récupérer son certificat. Pas très agréable car l’attente se fait dehors, alors quand il pleut, le Poncho est indispensable mais parfois pas suffisant… Cela dit, c'est un vrai plaisir que de tenir ce document dans ses mains, J'ai eu une bouffée d'émotions qui me rend les yeux humides. La dame qui me tendait le certificat indiquant la distance parcourue, s'en étant aperçu, délicatement m'a applaudi, pour ce parcours réalisé... Je me suis éclipsé rapidement avant de pleurer comme une madeleine...
Bref, je ressors certifié vers midi et file vers mon hôtel qui est à deux pas. J’en ai choisi tout près de la place et de la cathédrale pour être au centre des activités qui vont émailler le week-end en cette année sainte. En effet, les années où la St Jacques, le 25 juillet, tombe un dimanche, l’année est décrétée sainte. Il y a des festivités dans toute la ville et le Saint protecteur de l’Espagne est dignement fêté. Le dimanche, la messe aura le privilège de la présence du Roi. Autant dire que cette messe-là, ce n’est pas la peine d’essayer d’y assister, entre les mesures de sécurité et les contraintes sanitaires, c’est cuit !
Qu’à cela ne tienne, il y a une messe des pèlerins tous les jours à 12h30 et demain, j’y assisterais. Elle commence par l’annonce de tous les pèlerins ayant sollicité une Crédentiale dans les dernières 24 heures… Le nom et le lieu de départ sont cités… Le Rheu sera donc mentionné !! Je ne peux pas manquer cela.
Donc après avoir pris ma chambre dans ce bel hôtel à deux pas du centre, je me douche, me change et me prépare à une bonne sieste réparatrice pour la fatigue de la marche matinale et pour toutes les émotions ressenties. Je lève l’œil vers 15h30, le soleil a fait sa réapparition alors j’en profite pour sortir prendre l’air et voir si je n’aperçois pas une ou deux connaissances. Je me rapproche de la place quand j’entends à nouveau de la musique Galicienne. Et cette fois-ci, il s’agit bien d’un joueur de Gaïta qui s’est installé sous le porche d’une porte magnifique de la place et qui enflamme l’atmosphère de danses Galiciennes… Il ne m’en fallait pas plus pour que les larmes me montent aux yeux, décidemment… Moi, si on me joue de la musique celte, qu’elle soit bretonne, irlandaise, galicienne, écossaise, galloise ou Asturienne ou d’ailleurs, je fonds…
Là, une main appuie sur mon épaule et voilà Rudica qui m’a reconnu. On bavarde un moment et elle m’entraine dans la visite de la cathédrale. Ce n’était pas prévu car la file était trop longue quelques instants auparavant. Nous profitons d’une accalmie pour nous glisser dans l’enceinte et pour admirer la magnificence des décorations. L’intérieur, contrairement à l’extérieur, est à la fois simple car l’architecture a conservé son cachet roman mais aussi riche par toutes ses décorations. Rudica veut visiter la crypte où sont conservés les reliques du Saint. Je ne la suis pas et préfère déambuler dans la cathédrale.
J’ai fait une promesse à Jean-Luc, à notre dame des Apôtres à Capbreton. Je dois allumer une bougie pour lui. Je tiens donc ma promesse. J’en fais de même pour ma douce, mes enfants, petits enfants et tous ceux qui me sont chers au cœur, à tous ceux qui m’ont soutenu dans mon aventure, et ils sont nombreux… Puis je ressors. Plus de Rudica, elle a disparu dans la crypte… Tant pis, je m’en retourne à mon hôtel, il recommence à tomber quelques gouttes. Allons se reposer, pour aujourd’hui c’est assez ! Demain sera aussi riche et après demain aussi et il en sera ainsi encore et encore… C’est la magie du chemin !!
A vous mes enfants, ma douce épouse, mes petits-enfants, à vous mes amis, a vous tous que j’ai croisé sur ce chemin, pèlerins en marche, hôtes pour une nuit, ou inconnus qui m’avez encouragé d’un mot et qui lisez ces pages, je vous assure de ma profonde gratitude, vous avez fait de cette aventure une réalité car sans vos encouragements, j’aurais peut-être lâché l’affaire en cours de route… Alors merci, merci… encore merci...
Je ne peux que vous encourager à aller sur ce chemin, un peu, beaucoup, passionnément, à la mesure que vous pourrez mais allez-y, venez gouter à la magie du Camino, il y a tellement à apprendre, cela rempli tant et tant !!
E ULTREIA…
E SUSEIA…
DEUS AIA NOS !!
… FIN !
1582 km ! Tu l'as fait !!! Ou plutôt, tu les as faits ! Bravo Christian, tu es notre héros ! On a hâte d'entendre ton récit de vive-voix et avec le recul sans doute nécessaire après cet "atterrissage" rempli d'émotions...
Bises des Bordelais aux champs :)
Bravo Christian, quel parcours! Profite bien de ce week end pour celebrer ton arrivée avec les autres pèlerins, pour te reposer, et pour quitter petit à petit ce rythme de marche quotidienne que tu suis depuis 2 mois et demi. A très vite!
Très cher certifié méritant,, tu as eu aujourd'hui de grands moments d'intense émotion. C'est normal après ce très long trajet,, tu es enfin arrivé au but.. As tu mis ton pied au kilomètre zéro situé sur la place del obradoiro juste en face de la cathédrale ? Il symbolise la fin du pèlerinage et le point d'arrivée de tous les chemins. Merci pour ton post le plus long, des photos et de tous tes remerciements. C'est toi qui a fait le chemin, nous étions juste derrière nos écrans à te lire chaque soir .Demain, c'est la messe des pèlerins fraîchement arrivés et dans tes yeux brille déjà l'étoile de Compostelle. Très belle nuit spéciale ⚜️ très gros bisous