Que j’aime ces chemins bien tracés recouverts de grands arbres. On s’y sent bien, protégé, serein, la promenade invite à la lenteur, à la zénitude totale… c’est un vrai bonheur, cela va me manquer. J’aurais bien fait un florilège photographique de tous ces passages sylvestres. Remarquez, j’aurais bien de quoi avec toutes ces images dont je vous abreuve depuis le dé ut de mon voyage…
Plus que deux jours avant l’arrivée, je suis de plus en plus concentré sur ce moment. Ce matin, j’en oublie même de prendre quelques photos pour le résumé du jour, gardant jalousement, ces instantanés gravés dans ma mémoire.
Je me suis levé de bonne humeur, guilleret ! après mes ablutions matutinales, je descends prendre un petit déjeuner. L’hotellière, hier, m’a expliqué comment faire. C’est un buffet en libre-service et en arrivant, je ne suis pas le premier. Un couple d’Espagnol que j’ai déjà rencontré les jours passés, nous avions déjà logé dans le même hôtel, est attablé dans la salle à manger. Je me sers copieusement et m’installe à mon tour. Assez rapidement, la salle se remplit de nouveaux arrivants. Il ne doit y avoir que des pèlerins dans l’hôtel, vu l’heure et l’accoutrement…
Une fois le café, les toasts, le yaourt, le jus d’orange et la pomme avalés, je prends mon sac, pose les clés à l’accueil et repousse la porte derrière moi en sortant. Il fait frais, le ciel est couvert mais on ne ressent pas cette humidité quelque peu incommodante des deux jours précédents, pas de brouillard ce matin. Ce temps est nettement plus agréable. Je prépare mes bâtons, allume Carlita, ajuste le sac à dos et me voilà parti. Sortie de Sobrado dos Monxes assez rapide.
Et tout de suite ce chemin qui semble avoir été creusé par le passage de pèlerins pendant des siècles et des siècles. L’impression est indescriptible. Ressentir que je mets mes pas dans ceux de gens extrêmement croyants, extrêmement courageux ou alors étaient-ils crédules et inconscients… car il fallait l’être pour aller par les routes du moyen âge et même encore après, où alors regorgeaient des bandits les plus sanguinaires qui vous détroussaient pour une maigre bourse. Les pèlerins voyageaient avec souvent peu de moyens, pauvres hères en quête d’une immortalité spirituelle. Mais l’accueil se faisait révérent, chaleureux, obligé. Le pèlerin représentait ce que beaucoup espéraient vivre un jour et à défaut, il était un devoir de choyer ces hommes et ces femmes qui parcouraient les chemins d’Europe et d’Espagne. Ces temps-là sont bien loin, les bandits aussi, l’hospitalité à changé de mode et même si dans les Albergues on retrouve un peu de cet esprit, il est assez loin de l’original.
Quoi qu’il en soit, le Camino véhicule cet élan communautaire assez particulier. Ici, point de position sociale, de couleur de peau, d’origine, tous nous marchons avec les mêmes chaussures, la même charge sur le dos, dans la même direction. Nous vivons les mêmes difficultés, les montées et les descentes ont la même pente pour chacun. Les cailloux, le sable, la boue se partagent. La chaleur écrasante du soleil de même que le froid de la pluie frappent indifféremment les marcheurs. Nous nous abreuvons aux mêmes fontaines, partageons les mêmes étapes, échangeons qui un regard, qui un bon jour, qui un repas. Tiens encore ce matin, alors que je marchais avec ma compère Rudica retrouvée au café traditionnel de mi-étape, un pèlerin Espagnol qui s’était arrêté pour une pause nous offre une poignée de fruits sec et d’amandes. Ce partage spontané, cette solidarité dans l’épreuve que chacun a entamé pour des raisons parfois si éloignées, cette appartenance au Camino a quelque chose de mystique. C’est la magie de ce chemin !
Et c’est en pensant à tout cela que nous nous approchons du terme de l’étape d’aujourd’hui. De plus en plus de monde nous précède, nous dépasse, que nous dépassons, au grès de nos haltes. Nous arrivons à Arzua et là le phénomène va s’amplifier car c’est ici que le Camino Francès et le Camino del Norte, que je viens d’emprunter, se rejoignent. Sur les deux prochaines étapes, il va falloir jouer des coudes pour éviter les embouteillages… A moins que la magie du chemin n’opère…
Demain sera la dernière grande journée de marche, plutôt longue car je n’ai trouvé à me loger qu’assez loin de la halte usuelle. Mais la dernière étape sera la plus courte de mon parcours. A peine 10km. Cela me permettra de savourer l’arrivée matinale sur le parvis de la Cathédrale de Santiago !! J’en salive par avance…
N’allons pas trop vite, je vous souhaite une bonne lecture et vous dis .. à demain !
Très cher aventurier de Compostelle,
Comme tu nous le rappelles si bien : Saint Jacques est une profonde Aventure.
Merci de nous montrer l'immensité du chemin et la majesté des paysages.
Bientôt ton coeur débordera de joie et sûrement des larmes couleront aussi car tu seras au bon endroit et au bon moment, partageant la jouissance d'être en Vie, envie de chanter, de rire, de danser, d'embrasser le monde et sa beauté... En attendant le feu d'artifice je t'embrasse très fort et prends bien soin de toi. Gros bisous