Matin mutin, lever difficile, jambe raide, étape pourtant pas trop dure mais temps maussade…. Cela devient de plus en plus compliqué de se motiver pour se faire mal. Je viens pourtant de passer un jour à ne rien faire d'autre que me reposer. Est-ce la lassitude du parcours, l’accumulation de fatigue, l’angoisse de l’arrivée ou simplement la douleur permanente ? No lo sé !
Mais pas question d’abdiquer, il faut que je la voie cette esplanade de la cathédrale de Santiago ! Alors comme chaque matin maintenant depuis le 3 mai, je vais refaire les mêmes gestes, enfiler mes chaussures après un petit câlin pour les motiver elles aussi à résister aux coups qu’elles reçoivent, ranger mes affaires consciencieusement dans le sac à dos, remplir les gourdes et vérifier que je n’ai rien oublié dans la chambre avant de refermer la porte derrière moi. Je vais prendre la route et je me dis que c’est tout de même un peu dangereux en descendant les escaliers qui me mènent au pied de l’hôtel.
Rodica, ma partenaire de chemin depuis deux étapes, m’attend. Elle m'a rattrapé et est arrivée hier soir de son étape. Elle loge dans le même hôtel que moi. Il est 7h, Luarca ne s’éveille pas encore, pas grand-chose d’ouvert et pas grand signe de mouvement alentour. Nous rejoignons le chemin à travers la ville et assez vite les hostilités commencent. Montée sur les hauteurs. La ville est littéralement encaissée dans une sorte de crique et il faut donc grimper sec pour en sortir. Nous voici perchés, la vue est agréable même si la pluie vient atténuer notre enjouement.
Je suis à la traine cette fois-ci. Il y a trois jours, j’attendais régulièrement ma compagne de route car sa cheville la faisait souffrir. Entretemps, elle a vu une kiné qui lui a prodigué des soins miraculeux car elle marche d’un sacré train. Elle se retourne souvent et stoppe sa marche pour me laisser la rejoindre. Cela me gêne, je n’aime pas perturber sa marche et je m’oblige à soutenir le rythme pour ne pas la retarder. Elle a prévu de marcher beaucoup plus loin que moi aujourd’hui. Elle fait l’étape classique, celle des guides… 30km !! Pour ma part, je m’arrête à 20km, un hôtel sur le bord du chemin. Donc même si j’en ai envie ou besoin, je ne m’arrête pas et vraiment, ce n’est plus drôle !
Ce chemin devient un moment de souffrance… finie la joie de découvrir de magnifiques paysages, je ne regarde plus que la route au bout de mes pieds pour anticiper sur les difficultés immédiates, fini les plaisirs à croiser d’autres pèlerins ou simplement des gens sur la route et à échanger quelques mots, je me concentre sur les gestes qui me feront esquiver le relâché du muscle qui me fait boiter. Vivement l’arrivée …
Les quelques photos que je fais sont un peu à l’initiative de Rodica qui, elle, mitraille à tour de bras. J’en profite parfois pour y aller de mon propre cliché mais le cœur n’y est pas. Je me dis que pourtant, il faudra bien que je poste quelques mots sur le blog, mais c’est sans réelle conviction. D’ailleurs, j’ai l’impression que ma prose est à l’image de mon moral, de plus en plus indigeste.
Mais revenons aux péripéties de cette étape. Il n’y en a pas eu à vrai dire. Nous recherchions depuis plus de trois heures un bistrot ou une boulangerie ouverte pour enfin prendre un petit déjeuner que nous n’avons pas pu prendre à l’hôtel, quand enfin à une intersection du chemin et d’une route, nous l’avons aperçu. Lueur d’un espoir gourmand qui nous fait nous précipiter à l’intérieur pour nous réchauffer car la pluie s’accompagne d’un temps vraiment frisquet. Nous nous installons et commandons un bon petit-déjeuner que l’aubergiste, une dame pétillante très gentille et très accueillante, nous sert avec entrain. Cela nous redonne à chacun un bon coup de fouet pour la suite du trajet. Nous restons une grande demi-heure à déguster et discuter de la vie, du Camino, de ses surprises. Un coup de tampon sur le Crédential, cet établissement vaut certainement une marque dans le cahier du pèlerin.
Et nous repartons sur le chemin un peu revigoré. Alors en ce qui me concerne, le redémarrage est toujours aussi compliqué, il me faut un bon tour de chauffe pour que le muscle de gauche qui s’est refroidi accepte de donner du sien et s’aligne un tant soit peu sur le voisin de droite.
Encore une fois, Rodica m’attend… Ensuite, plus d’arrêt jusqu’à mon hôtel, et là je dois avouer que je me suis contraint car j’aurais bien fait une ou deux pauses mais je dois tenir compte de mon accompagnatrice. La pluie a cessé mais de temps à autre, des gouttes nous imposent le couvre-chef.
L’hôtel est vraiment en bordure de route, aussi j’invite Rodica à boire un verre mais comme il lui reste encore 10km à parcourir, elle préfère continuer. Elle aurait dû m’écouter car à peine 10 minutes plus tard, une pluie bien forte s’est mise à tomber. J’étais sous la douche mais lorsque je m’en suis rendu compte j’ai pensé à ma pauvre compagnonne de marche qui a dû essuyer ce grain. Elle m’a envoyé un message 3 heures plus tard pour me dire qu’elle avait fini par rallier l’auberge où elle prévoyait de dormir.
De mon côté, après la douche, je m’alonge et n’ai levé l’œil que vers 19h. J’ai ensuite eu du mal à dormir le soir mais les épreuves de la journée nécessitaient ce repos.
Voilà pour aujourd’hui ! Désolé de ne pas être très joyeux ces jours-ci. J’espère vraiment que l’approche de Saint Jacques me provoquera un regain de forces pour que la joie de marcher revienne égayer les pages de ce blog que je noirci chaque jour.
Je vous souhaite néanmoins une bonne lecture et vous assure de toute mon affection pour le soutien que je lis à travers vos commentaires. Ils me sont d’un secours extrême, particulièrement en ce moment.
A demain pour une meilleure prose …
Eh oui Christian tu as le virus du chemin qui accroche, qui envoûte, qui enchante ......tu te retrouves dans un univers spécial où les rapports entre les gens sont différents, où chacun marche presqu'à son rythme sur des sentiers parallèles à la vie normale, Aujourd'hui en compagnie de la jolie Rodica. Demain surprise !!! Tu appartiens à la belle classe sociale qui est "le pèlerin". Bonne nuit près de ton chapeau de pèlerin et de tes chaussures . Bisous