Je pense que je ne suis pas près d’oublier cette Albergue. « Tu Camino », ton chemin… Maria, adorable, un accueil généreux et toujours un sourire pour réconforter, sans compter son souci de partager. Daniel, son assistant, lui aussi entièrement disponible pour le confort, fut-il sommaire, des pèlerins de passage. Et ils ont du en voir passer des dizaines et des dizaines de pèlerins de toute nationalité, de toute obédience. Pour chacun, un mot, un moment, … chapeau et grand merci à eux deux.
Donc hier après-midi, après vous avoir laissé, je me suis payé une petite sieste avant que notre petit monde ne s’organise pour le repas du soir vers 7h30. On rassemble les tables mais il faut respecter le protocole sanitaire donc deux tables car nous sommes douze pèlerins à dormir dans l’auberge ce soir. Il y a une autre personne qui n’est pas pèlerine mais qui semble bien mal en point et que Maria a bien voulu héberger pour la nuit. Elle se tient à l’écart volontairement et montre un comportement un peu perturbé. Néanmoins, elle ne semble pas du tout décontenancée par l’ambiance qui règne dans la maisonnée.
La table mise, nous commençons le diner par une soupe où j'ai identifié de l’ail et des oignons, mais pas que... et qui est un plat typique du nord de l’Espagne. Il me semble bien en avoir gouté lors de mon arrêt à Arès en Aquitaine, dans cette famille française qui avait vécu un long moment au pays basque. S’ensuit un plat de riz safrané aux légumes dont chacun déguste une bonne plâtrée. Le plat en lui-même est une invitation à la gourmandise. Une crème légère en dessert et ce sera notre régal pour le soir… Bien calés, rassasiés, nous débarrassons et replaçons les tables à leur place. Ensuite, je prends congé et m’en vais commencer ma nuit que je soupçonne un peu compliquée…
Et je ne me suis pas trop trompé… tout d’abord, les jeunes ça ne dort pas à 9h du soir !! Le premier bruit ce fut la première note sur les cordes de la guitare que j’ai aperçue suspendue au mur dans la grande salle. Ah ! un début de bœuf ? Mais je pense qu’ils ont opté pour une ou plusieurs parties de cartes… J’ai entendu le dernier ou la dernière rentrer dans le dortoir vers 23h… Je n’avais toujours pas réussi à m’endormir. Il faut dire que la « non pèlerine » a commencé un drôle de manège qu’elle a poursuivi toute la nuit ! Toutes les heures, environ, elle s’en est allé fumer une cigarette dans les sanitaires (douches/WC) en laissant la fenêtre ouverte et en ne refermant pas la porte laissant la lumière filtrer dans le dortoir. J’avais choisi le lit le plus près des sanitaires à cause de mes déambulations nocturnes. Autant vous dire que j’ai profité et du froid et de l’odeur de cigarette…
J’ai bien du finir tout de même par m’endormir mais vers quelle heure, je ne saurais le dire. Toujours est-il que vers 5h du matin, comme à mon habitude, j’ai ouvert l’œil et ai commencé une lente remontée vers le jour naissant… Mon voisin de gauche, Nicolas un Américain, lui aussi semblait bouger et dans un même élan, vers 6h, nous nous sommes dirigés vers la salle d’eau. Je notais au passage que ma voisine la « non pèlerine » dormait d’un sommeil profond et bruyant. J’aurais bien fait du barrouf mais par respect pour les petits jeunes tardifs, je me suis glissé dans la douche sans trop de bruit.
6h30 dans la salle commune où le petit déjeuner nous attend ainsi que Maria et Daniel. Ils ont déjà installé les tasses, les petits pains, les tartines grillées et le café. Comme il est tôt, je prends mon temps. Nicolas semble nerveux, pressé. Il n’a pas de réservation pour le soir et il semble qu’il n’y a pas d’auberge ouverte avant Laredo… 40km !! Ça peut stresser son pèlerin. D’autant que la pluie est déjà installée. A toutes fins utiles, je lui donne le nom de l’hôtel d’Islares (21km) où je loge ce soir. Petit soulagement, je verrais bien si on s’y retrouve.
Fini le petit déjeuner, je rempli ma gourde, range mon chargeur de téléphone, chausse mes godillots et enfile mon poncho. Je n’oublie pas mes bâtons et après un dernier remerciement et des salutations chaleureuses, je me retrouve sur la route. Il pleut !
Passage devant l’église où j’ai une pensée pour une jeune française qui est passée hier en fin d’après-midi à l’auberge. Elle espérait pouvoir être hébergée mais voyageant sans papier, elle n’a pas pu être acceptée… Rebelle et autonome ! C’est parfois assez difficile à assumer. Après une douche et un café, elle partait pour s’abriter à l’église… Pas très sérieux mais … jeunesse, jeunesse, elle cherchait une expérience différente… Je pense qu’elle a dû trouver. Quelque part, je ne me sentais pas bien rassuré pour elle.
Après l’église, ça monte fort pendant un bon moment tout en longeant l’autoroute. On va la côtoyer et la retrouver plusieurs fois dans la journée, celle-là. Je dis « on », parce que progressivement, je suis rejoins par les jeunes moins matinaux mais plus rapides sur leurs jambes… On se dit à plus tard alors qu’ils me dépassent allègrement.
A un moment, Carlita que je n’avais pas beaucoup entendue jusque là m’ordonne de bifurquer vers la droite, c’est-à-dire dans le ravin qui donne vers la mer alors qu’il n’y a même pas de chemin… et lorsque je regarde le GPS, il indique bien quelque chose mais … rien sur le terrain. Je reste donc sur la route, et là, j’entends tout de suite ses reproches, « vous n’êtes plus sur la route », « vous avez quitté l’itinéraire », « le chemin est 30m sur votre droite » ! Oui mais là 30m sur la droite, je suis en pleine mer !! Je n’en fais qu’à ma tête et poursuis sur la route en suivant les signes jacquaires qui eux, sont bien visibles. J’arrive dans un petit village… et là je suis perdu !
Soit, je rattrape la route de Carlita mais il me faut relier le bord de mer, soit, je continue de suivre les signes du Camino et je prends la direction quasi opposée… Sur ces entrefaites, une jeune de l’auberge arrive et après un échange rapide, je décide de la suivre en direction du Camino. Je ne le regrette pas, la route est sympa, on passe par un tunnel très surprenant et on débouche assez vite à l’entrée de Castro Urdiales ville intermédiaire de l’étape d’aujourd’hui. C’est une ville assez grande où je prends le temps de contempler quelques beaux monuments sur le front de mer. Oui parce que, pour le coup, j’ai rejoint le chemin de Carlita… Elle ne me l'a même pas dit, elle fait encore la tête !!
Je reprends le chemin qui après avoir à nouveau rejoint l’autoroute et l’avoir longé quelques kilomètres, j’aborde un petit chemin sur la lande en haut des rochers surplombant la mer. C’est superbe malgré le ciel maussade et la pluie, c’est très agréable, n’étant le vent fort qui parfois va jusqu’à me déséquilibrer, c’est dire ! Je croise à nouveau des compagnons de nuitée. Cette fois c’est moi qui les rattrape, ils folâtrent sur la lande… je ne sais pas s’ils se rendent jusqu’à Laredo… si c’est le cas, ils ne sont pas rendus…
Encore deux kilomètres et me voilà rendu au terme de mon étape. Ce dernier tronçon est très agréable, on aperçoit le village de Islares et la proximité de la mer fouettée par le vent donne à ce paysage des airs de lande bretonne. On a envie de ralentir, de s'imprégner de cette force que nous envoie la nature. En définitive, le temps a beau être maussade, l'impression que dégage ce tableau est extrêmement apaisant. Pour un peu, je m'allongerais sur cette herbe bien verte pour profiter de ce temps suspendu... oui mais la pluie ...
Je tire la jambe sur cette fin de parcours. Le bas de la cuisse et le genou… encore ! Une bonne après-midi et une nuit de repos vont surement panser cette douleur.
Voilà une nouvelle étape de bouclée. Un pas de plus vers le terme de cette aventure. Finalement après mon petit coup de blues à Deba et grâce à tous vos soutiens, je me sens ragaillardi et bien décidé à parachever ce projet.
Bonne lecture à tous et à demain !
Bonsoir, Cricri,
en espérant que tu trouves aussi bon accueil , mais meilleur sommeil qu’hier, je te souhaite une Bonne soirée et bon chemin pour la journée de demain..
bises Mim´