Je redoutais cette première étape espagnole, j’étais loin de me douter que j’étais encore bien loin de la réalité… Là c’est clair, j’ai aperçu mes vraies limites. Fini de faire le mariole avec des étapes de 25km que sur du plat, là on est en montagne et encore, j’imagine qu’il y a des montagnes bien moins accueillantes. Je savais que j’aurais des soucis à la montée, j’ai le souffle court assez vite et le cœur monte en puissance assez vite. Mais là j’en ai été réduit piteusement à m’arrêter tous les 10 pas après juste 1h30 de montée. A ma décharge, le chemin n’est pas tendre avec le pèlerin amateur et candide… ça monte raide directement, sans phase de chauffe !!
Mais revenons en arrière un petit peu. Hier soir après avoir tourné dans le quartier sans rien trouver à manger qui me plaisait, je me suis rabattu sur la traditionnelle pizza domino que l’on commande sur internet. J’ai donc mangé dans ma chambre dont la fenêtre donnait directement sur le terrain de jeu d’aujourd’hui… j’ai donc pu admirer ce qui m’attendais mais avec un peu de recul, ça change toute la perspective…
Je me suis couché tôt, tant pis pour les matchs de foot de l’Euro, je les verrais en replay dans 3mois. La soirée à connu quelques mouvements dans l’immeuble et particulièrement une dame avec chaussures à talons à l’étage au-dessus. Puis ce fût la télévision de la chambre d’à côté jusqu’à près de minuit, et quelques passages tardifs à la salle de bain collective. Bref un début de nuit pas optimal mais dans l’ensemble, j’ai dormi à la mesure de la dépense de la veille et cela semblait me suffire.
Réveil vers 6h, lever, douche, tant pis pour le bruit après tout chacun son tour, enfin j’essaie d’être le moins bruyant possible. Je descends avec mon barda et m’en vais en direction du chemin dont j’avais repéré la marque sur le trottoir la veille. Un premier tronçon assez plat pour sortir de la ville et attraper le premier sentier. Et là hop ! un raidillon de bien un kilomètre pour tester la cuisse, et puis on enchaîne sur une descente aussi raide et aussi longue pour tester l’autre cuisse… Moi je pensais qu’on commencerait à descendre après être arrivé au sommet !
J’ai été vite rassuré, la montée a repris de plus belle et sans discontinuer jusqu’à l’Hermitage de Guadalupe. Là retrouve les pèlerins que j’ai croisé depuis le début. Ah oui ! je ne vous ai pas dis mais il faut venir en Espagne pour croiser plein de pèlerins. Enfin, je dis plein, au moins six. Alors ceux-là, ils m’ont tous doublé… même le couple qui semblait avoir le même âge que moi. Quant aux petites jeunettes, leur agilité à monter frise l’insolence… J’ai pris une bonne dose d’humilité, là.
Mais je suis reparti, très humblement… pour une nouvelle heure et demie d’escalade enfin de grimpette. Il faut dire que j’étais vraiment bien mal. J’en étais à m’arrêter tous les 10 pas pour laisser redescendre le cœur. Fini les arrivées tonitruantes juste en début d’après-midi… là je vise 18h si ça continue à monter encore comme ça… Le bonus car il y en a un, c’est que je me suis trompé de route. Moi comme un grand malin, je n’ai pas voulu faire demi-tour… trop loin… alors je me suis enferré dans mon chemin mais à un moment j’ai voulu rejoindre le vrai chemin… et bien je me suis trouvé à faire du hors-piste en mode grimpeur et là pour le coup, ça ressemblait parfois à de l’escalade vu la pente de la non-piste. J’ai bien failli partir à la renverse une dizaine de fois, me rattrapant à chaque fois in-extrémis à une branche compatissante. Bref, je débouche sur … un champ en haut de la montagne ou peut-être colline, un champ où broutent paisiblement un petit troupeau de chevaux et poneys. Je passe à travers sans qu’il ne s’interresse le moins du monde à moi. Tout juste un jeune poulain apeuré par mon approche, fait un petit saut pour se coller à sa mère. C’est absolument magique d’autant que la vue est exceptionnelle. Vue plongeante sur la mer d’un côté, vue sur la baie d’Hendaye et d’Irun de l’autre. Nous sommes déjà à 350m de haut. J’ai donc déjà grimpé 350m de dénivelé en près de 2h et ai parcouru à peine 6,5km. Ce n’est pas la même allure là… Et ce n’est pas fini. Après une marche sympathique sur les crêtes à cette hauteur, le chemin reprend son ascension sur la montagne/colline d’à côté.
On trouve de tout sur ces monticules, même des menhirs ! Je ne me souvenais pas que Obelix était passé par le chemin de Compostelle lors de son aventure en Ibérie. C’est assez imprévu mais cette région a été aussi une terre de refuge pour des tribus celtes. J’admire le paysage en maudissant les montées mais à petits pas, je fini par y arriver. En haut, je retrouve mes camarades pèlerins qui font une pause depuis surement pas mal de temps… En échangeant avec une jeune espagnole, j’apprends que je n’ai pas été le seul à me perdre. Le couple âgé s’est retrouvé sur une route goudronnée et elle-même a divergé du chemin un moment. A priori, tous les chemins mènent à Compostelle puis que nous nous rejoignons au même endroit.
Puis vint la descente ! Là bizarrement, je me retrouve seul, toute la descente seul… je me suis arrêté à l’ombre d’une tour de garde assez ancienne, posé sur le chemin. Ce n’est pas la première, je suppose qu’elle fait partie d’un ensemble de défense très ancien. Je me pose ici pour casser une petite croute et faire respirer mes pieds qui commencent à chauffer très dur. Deux pommes et quelques cerises plus loin, je m’alonge pour une sieste que j’estimé bien méritée. Mais je ne suis même pas à la moitié du parcours et je commence à me demander si je vais y arriver. C’est largement trop dur pour moi. J’ai surestimé mes forces… Enfin j’aviserais une fois en bas.
Oui mais la descente, elle fut par moments aussi raide que la montée. Sur un sentier plein de gros cailloux, ça fini à certains endroits par de l’escalade à l’envers… Le sentier a tout d’un coup débouché sur une route que j’ai suivi pendant un bon kilomètre. Après quoi, il s’est transformé en petite route de béton, puis rue car nous approchions d’habitations, puis ruelle pour finalement se terminer sur un escalier qui finissait de descendre sur les bords de la rivière. J’ai dû passer par des ruelles très étroites et même des passages voutés. Très original !
J’arrive à l’embarcadère où je prends un petit bateau qui m’emmène de l’autre côté de la rivière en deux minutes. Le pilote m’indique que le chemin normal est bloqué suite à des chutes de pierres et qu’il faut donc passer par un autre chemin qu’il me décrit dans un français parfait. Avant de me lancer sur ce chemin, je dois recharger mon téléphone qui est à plat. Et là patatras, le câble commence à donner des signes de faiblesse. J’arrive toutefois à poursuivre ma route qui me mène par un dédale de petites rues. C’est ombragé et pittoresque.
S’ensuit une longue traversée de San Sebastian pas des plus agréable d’autant qu’il faut porter le masque, ici, les gens sont très disciplinés et on se fait regarder de travers si on ne met pas son masque comme il faut.
Mon câble a rendu l’âme, il me faut en trouver un autre… pas simple. Je me renseigne et la personne veut me renvoyer en arrière… pas question de faire marche arrière après ce que je viens de vivre… mes pieds ne me le pardonneraient pas !
Je poursuis pendant les longs derniers kilomètres et fini par tomber sur le paradis asiatique, boutique où on trouve vraiment tout plein de choses inutiles mais aussi, des câbles pour téléphones !! Eureka, me voilà sauvé. Je peux donc rallier la pension qui ‘attend avec impatience car je reçois un message du gérant qui s’inquiétais de mon arrivée. Quinze minutes plus tard, j’étais sous la douche et m’apprêtais à commencer ce post.
Je vous avoue que je ne pensais pas arriver au terme de cette étape. Je suis vidé, j’ai mal aux cuisses, mes plantes de pieds brulent, bref, le cocktail pour terminer le chemin ici ! Mais demain est un autre jour et surement mes pieds seront d’aplomb, mes cuisses cuiront encore quelques jours et je reprendrais la route pour l’étape suivante…
Pour le savoir, rendez-vous à demain soir !!
Dure journée et bien des surprises pour cette reprise en terre espagnole !!
Une fois encore tes muscles et tes pieds vont devoir s'habituer à ces nouveaux paysages ..... plus accidentés que les landes !! mais tu en as vu d'autres, tu es au milieu du chemin de St Jacques et tu vas surement rencontrer plus de pélerins
Tous nos encouragements pour ce début de semaine et bien le bonjour de Mémé Travers qui nous demande régulièrement de tes nouvelles !
Daniel
Ah oui quand même on se rend compte de la dureté de ton épreuve d’aujourd’hui ! chapeau bas mon doux coeur tu as mis le temps mais tu as réussi BRAVO
pour ton endurance et ton long message toujours très agrémenté de très jolies photos. Demande a un pèlerin de te prendre en photo merci Big bisous bisous