Accueillir un évènement que l’on n’attend pas ne peut être qu’un immense bonheur ou une grande déception. Sur ce chemin, je n’ai que des belles et bonnes surprises. En effet, je n’attends pas autre chose que le fait de pouvoir arriver au bout de mon étape quotidienne. Y arriver chaque soir est un vrai bonheur même si la douleur de mes pieds a la fâcheuse tendance à me faire minimiser ma joie. Yesss, je l’ai encore fait. Vivement demain pour la prochaine fois… euh… demain, zut, c’est une bien grosse étape de 28 kilomètres… pas comme aujourd’hui ni hier… mais tant pis, vivement demain, la réussite n’en sera que plus belle…
Donc je disais, je n’attends pas grand-chose et chaque jour me révèle son lot de jolies rencontres. A Commencer par ces jolis coquelicots qui m’encrent pour un bout du parcours, la ritournelle de Mouloudji dans la tête…
Je démarre sous un ciel très clément, ni trop chaud, ni trop frais, juste ce qu’il faut. Bien éclairé par un beau soleil et quelques nuages mais pas trop. Ayant consulté l’itinéraire hier soir, je me dis que je vais devoir faire avec la circulation car une grande partie du trajet se passe sur l’asphalte. Et c’est vrai ! Presque la moitié du parcours sur une petite route, probablement l’ancienne route principale du secteur avant que ne soit construite la belle quatre voies que je côtoie pendant tout ce temps…
Je dois bien reconnaitre l’immense attrait des sous-bois des journées précédentes et le magnifique chant des oiseaux comme unique bruit alentour. Là, c’est doublement pénalisant car outre que le bruit est permanent, il m’empêche d’entendre les rares voitures qui circulent sur ma route et arrivent derrière moi. Coté sécurité, j’ai connu mieux !
Qu’à cela ne tienne, je résiste et avance le plus vite possible pour sortir de cet environnement un peu hostile, en tout cas pas très agréable pour marcher. Je passe auprès d’un Golf qui propose des stages d’initiation. Clin d’œil à mon Jean-Mimi à qui j’ai parlé hier et qui m’a déjà fait une proposition similaire il y a quelques temps.
A l’approche de Rochefort, ayant déjà bien marché, je décide de m’arrêter pour laisser souffler mes pieds. J’ai toujours un succès fou quand je me retrouve les pieds nus en éventail, allongé en position sieste pour reposer le dos, au passage. Les automobilistes ralentissent… même une estafette de gendarmerie a bien hésité à venir me questionner, non mais pas de vagabondage dans not’ belle ville !! Mais non, compatissants, ils m’ont même salué ayant très certainement apprécié l’importance de mon repos et identifié mon origine en repérant le Gwen-a-du brodé sur mon galure.
Donc après cette pause, j’entre dans Rochefort. J’avise un petit bistro avec une terrasse bien accueillante où je m’assoie pour un petit café de mi-matinée arrosé d’un Perrier bien frais. C’est ma foi fort sympathique et puis il faut bien participer à la relance de l’économie des cafetiers. J’en profite aussi pour faire remplir ma gourde.
Mon ami GPS me fait contourner le centre de Rochefort en passant par une marina improbable. C’est oublier que Rochefort fut un arsenal réputé et un centre de construction navale encore en activité. C’est à vrai dire pour moi un premier rappel, si tant est que je l’ai su un jour, d’ailleurs. Il semble en tout cas au vu des grands bâtiments en pierre, que la ville a dû connaître une période très prospère dans le passé.
Je dépasse donc la marina et me retrouve le long d’un cours d’eau, qui n’est autre que la Charente. En m’engageant sur le chemin fort bien aménagé qui me permets de la suivre… magnifique bâtiment de plus de 370 mètres de long… La Corderie Nationale. Pour le coup, celui -à, je le connaissais, en revanche jamais je ne l’aurais situé ici et surtout je n’imaginais pas passer juste à côté ce matin. Belle surprise… et magnifique réalisation où depuis 1665, des milliers de kilomètres de cordages de marine ont été tissés par des génération de cordiers. Je découvre que la longueur de ce bâtiment est la résultante d’un calcul d’ingénieur. Une encablure faisant 200m, sachant qu’en tissant le fil se rétracte d’un tiers du fait de la torsion, CQFD : il faut 300m de long pour fabriquer un cordage d’une encablure d’un seul tenant.
Et je ne suis pas au bout de mes surprises aujourd’hui… car en poursuivant sur ce chemin aménagé, j’aboutit au chantier naval proprement dit… et là … devinez ce qu’y s’y cache ? Eh bien oui, la fierté charentaise, un bateau de légende, cher aux Américains !! L’HERMIONE !! En bois et en voiles, il est là. Je n’en crois pas mes yeux. Franchement c’est une très belle surprise. Pour un peu, La Fayette en serait descendu que je l’aurais embrassé… Je shoote à tour de bras, mon téléphone dans tous les sens !!
Après de telles émotions, il me faut une pause. D’autant que l’heure de midi a bien sonné et je suis un peu en retard par rapport à mon horaire habituel. Mais bon j’ai des excuses, mon estomac me pardonnera. Je trouve donc un banc un peu plus loin sur le chemin. Très fréquenté, le chemin. Il faut dire que c’est l’heure où les joggeurs sortent des bureaux et où les pique-niqueurs pique-niquent… Donc je ne suis pas tout seul et à nouveau, mes pieds nus ont un franc succès.
Pas le temps pour une sieste, je dois m’assurer que je vais pouvoir traverser la Charente par le pont Transbordeur d’Echillais. Il vient de rouvrir mais ma logeuse de ce soir avait l’air de dire qu’il rencontrait des soucis techniques et pouvait bien ne pas être en activité. Autant dire que les autres choix ne me plaisent pas : traversée à la nage… ou passage par le pont autoroutier, ce qui équivaut à une rallonge du parcours de 5 kilomètres. Je prie donc pour que la machine marche !
Heureusement la machine est opérationnelle… Mais pas avant 14h… je m’installe donc sur un banc pour ¾ d’heure de repos forcé. Un groupe de cycliste morbihannais sont eux aussi en attente de transbordement. Je discute avec l’un deux qui m’indique qu’ils se rendent en Espagne. Belle balade aussi. Ils font 80km par jour !! 3 à 4 fois plus que moi. Ils y seront bien avant moi. Toujours en attendant, un autre cycliste s’approche de moi, local celui-ci. Il fait le tour de Rochefort avec son vélo et m’explique que la ville est construite sur une boucle de la Charente et que depuis que la région a aménagé ce chemin, il l’utilise très fréquemment comme beaucoup de Rochefortains.
Enfin 14h sonnent ! Le machiniste prend son poste et la billetterie ouvre. Eh oui, c’est un patrimoine national et il faut bien financer sa restauration récente… bon là ce n’est pas un vol. Il m’en coutera 2€ ce qui est peu payé au regard des alternatives évoquées ci-dessus. Très bel ouvrage d’art qui a transporté un nombre impressionnant de passagers à pied, en vélo, à cheval, en char à bœufs ou en voiture, jusque dans les années 70, avant de n’être délaissé pour un équipement plus moderne. Il a même failli être détruit si ce n’était l’engagement fort d’élus de la région sollicité par un nombre conséquent de protestataires locaux et nationaux. La structure est donc inscrite aux Monuments Nationaux et a pu faire l’objet de profondes restaurations encore récemment.
Deux minutes de traversée et me voilà rendu à 300m de mon hébergement de la nuit.
Un accueil charmant par une famille, permanents de l’association Emmaüs. Et déjà un brin de discussion en sirotant un café avant que je n’aille prendre une bonne douche et me mette à la rédaction de ce post.
Surement une belle soirée d’échange en perspective avant un repos pas trop tard car demain un long trajet m’attend.
Bonne nuit à vous et à demain…
C'était tellement improbable !!
Je ne m'y attendais absolument pas...
Très belle surprise !
PS: elle est où, la photo avec le poncho?,,.
Bonjour, Cricri,
Enfin, je trouve comment t’ écrire ! Quel périple, et comme c’est bien de pouvoir te suivre ....sur le blog tous les jours..
bravo et merci de toutes ces belles images.
gros bisous et plein de courage et de force pour continuer ta route....
Mim’
Ça m’avait L’air d’une belle journée dis aujourd’hui. Je t’aurais bien accompagné.
Quelle chance d'avoir vu ce magnifique bâtiment qu'est l'Hermione !