Nuit un peu agitée… jour de fête au village ! Fête foraine, bal, et en bonus, le départ d’un maxi treck de 120 kilomètres sur plusieurs jours avec départ en pleine nuit, si si et avec deux départs qui plus est, un vers 21h et l’autre vers 23h… Comme mon hébergement est situé en plein centre, vous imaginez la courte nuit que j’ai passé. Les bruits ne s’estompant que vers 1h à 2h du matin.
Hier soir au repas pris dans la salle commune du refuge, j’ai pu discuter avec quelques pèlerins. Il y avait là Agnès et Christophe de Perpignan, Ombeline une jeune femme de Martinique et un autre couple avec une amie dont je n’ai pas noté le nom. Chacun racontant les premières étapes de ce parcours déjà pas mal éprouvant, puis d’évoquer la suite du parcours. Tous continuent sur le chemin de Conques, certains s’arrêtant là, d’autres poussant jusqu’à Cahors. Pour ma part, j’explique que demain je fais un pèlerinage très personnel puisque je bifurque pour aller honorer la mémoire de mes parents.
Le Mont mouchet, haut lieu de l’histoire familiale et au demeurant haut lieu de la résistance. Ombeline semble intéressée par l’histoire et s’ensuit une discussion sur le devoir de mémoire et la difficulté de transmettre ces moments pourtant encore assez récents, à la plus jeune génération.
J’’n ai eu encore un exemple vivant ce matin en arrivant au musée du mont Mouchet où, un groupe scolaire en visite ne semblait pas fortement attentif au récit de la guide pourtant très riche. Le Muée a été complètement repensé à partir de travaux d’enseignants afin de rendre les expositions plus attractives, plus facile à lire, plus synthétiques. Nombre de documents ont été remplacés par des tableaux et dans l’ensemble cela me semblait plus convivial. Malgré cela, plusieurs enfants ne semblaient pas du tout accrocher. A un moment, je me trouvais derrière le groupe écoutant la guide décrire le scénario de la bataille du 2 au 10 Juin 1944. Et mon air martial, surement, a fait qu’un des élèves dissipés m’a pris pour le directeur du Musée. Sentant surement qu’il n’avait pas tout à fait l’attitude adaptée, il me demande s’il peut prendre des photos, ce qui faisait depuis déjà bien 10minutes. Je lui explique que je suis un visiteur et en même temps lui tapote sur l’épaule pour l’inviter à s’approcher d’un tableau ou est affiché un texte parlant de la mission interalliée « Benjoin ». Là je lui dis : « tu vois ce nom… et bien c’est celui de mon père !! ». Il m’a regardé avec un air plutôt stupéfait, comme si un trait de réalité lui parvenait, un lien entre une époque lointaine et sa présence dans ce lieu.
Une de ses copines tout aussi dissipée me dit alors : « oh ! alors il devait être ‘connu’ ! », « parce que c’est important », lui réponds-je, « heu ! enfin pas connu mais héroïque »… cette génération internet/influenceur(se)/virtuel me désespère parfois. Et pour le coup, c’est tellement de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui se sont battus pour que nous soyons aujourd’hui… encore… dans un pays libre, démocratique et en paix, même s’il y a beaucoup à y redire. On voit bien que l’histoire bagotte en ce moment et il ne faudrait pas grand-chose pour que nous connaissions à nouveau les affres de la guerre à nos portes. Sacré devoir de mémoire… l’être humain s’emploie à effacer et oublier, ce qui lui permet de recommencer encore et encore les mêmes abominations.
Mais revenons à ma journée. Réveil ce matin de bonne heure. Mes deux compères de chambrée sont réveillés aussi très tôt. Le premier, Philippe, un Rennais est parti vers 5h car il comptait faire plus de 32km. Le second, un Alsacien, est parti vers 8h30, sans trop savoir où il allait atterrir car sans réservation pour la nuit. Je descends prendre un rapide café pris dans ma réserve, une banane et un petit yaourt. Vite avalé, je remonte faire un peu de toilette, bander mes orteils, pommader les pieds et refermer mon sac. Je repasse par la cuisine remplir ma gourde et la poche à eau. La journée va être chaude en température…
Je me suis levé avec un petit mal de crane et surtout le front bien chaud. Pas de fièvre mais un bon coup de soleil attrapé avant-hier lors de la première étape. Il ne faisait pas extrêmement chaud mais le soleil tapait bien et il y avait un petit vent frais qui annihilait l’impression de chaleur, un peu comme sur une plage ventée. Je n’ai donc pas mis mon chapeau au bon moment. Résultat, beau coup de soleil sur le front et le nez. Par précaution, je mets un peu de protection que me prête Ombeline recroisée au petit déjeuner ce matin et je sors.
Pour aller au Mont Mouchet, il y a à peu près 28km auxquels viennent s’ajouter 5,5km pour atteindre mon hébergement du soir. Pas question que je fasse 33km, je ne saurais pas tenir cette distance surtout par 37/28° de température. Je décide donc de me faire déposer par un taxi sur le chemin esquivant de ce fait une dizaine de km. Cela me va bien, surtout que j’ai envie de passer un peu de temps dans le musée au mont Mouchet.
Sur ce début d’étape, je marche, concentré sur les pensées qui me viennent au sujet de mes parents et de leur engagement pendant la guerre. Ainsi que sur cette extraordinaire puissance d’amour qui les a fait traverser tous les deux ces moments tragiques où nombre de leurs compagnons de combat y ont laissé leur vie. L’arrivée dans la clairière avec ce imposant monument posé à son entrée fait jaillir une vague d’émotion qui me met les larmes aux yeux. Je file alors au musée.
A la sortie du musée, il me reste pas mal de temps finalement car mon hébergement ne reçoit qu’à partir de 17h. Je prends donc le temps d’une collation au bistrot/restaurant à côté. Un bon café, un autre pour la route. J’en profite pour demander un tampon pour ma credential car j’ai oublié de passer à l’église de Saugues, ce matin. Bon d’un autre côté, le tampon du mont Mouchet… il a une autre connotation de pèlerinage pour moi. Finalement c’est bien ainsi.
Me voilà reparti vers 14h30 pour les 5,5 derniers kilomètres pour rallier mon hébergement. Belle traversée à travers des forêts de pins, avec des vues magnifiques sur des paysages vallonnés. Un pur bonheur. Il se voit que j’ai quitté le chemin « canonique », je n’ai rencontré personne pas un chat, même pas un failli randonneur. Back to l’an dernier le premier mois… avant que je ne croise Marina et Jacques.
Tant pis, tout ce beau paysage rien que pour moi… et les oiseaux. Encore une dernière montée puis une descente… mais où elle est cette montée ? je ne trouve pas le chemin… je suis en train de m’écarter du chemin et Carlita m’enguirlande… Zut, marche arrière mais non, il semble que le chemin a été obstrué par des troncs et des branches. J’aperçois ce qui me semble être le chemin que Carlita souhaite me voir prendre. Allez, courage, allons-y ! je me lance mais assez vite je suis dans la forêt de pin, dans une vraie pente un peu raide, carrément en hors-piste. Ca me rappelle l’étape au Pays basque l’an passé où je me suis retrouvé dans le même cas à escalader en pleine forêt pentue de fougères bien hautes…
Eh bien comme l’an passé mais en plus rapide, je suis arrivé à retrouver mon chemin, enfin le chemin de Carlita. Encore 1,5 km de descente douce pour enfin arriver à mon gite.
Belle journée pleine d’émotions !
Merci de votre lecture et je vous dis à demain.

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